CCKB (22) : un dispositif partenarial pour repérer et agir face aux situations de mal-logement
Infos pratiques
Adhérent depuis 2024 Président : Sandra Le Nouvel Adresse : 6 Rue Joseph Pennec, 22110 Rostrenen, France Téléphone : 02 96 29 18 18 Nbre d’habitants : 18 563 Superficie : 699 km² www.kreiz-breizh.fr Contact BRUDED : Cécile Jamoneau
Autres expériences de CC Kreiz Breizh
La communauté de communes du Kreiz Breizh développe un maillage impliquant plusieurs partenaires et dispositifs afin de repérer plus précisément les personnes en situation de mal-logement en développant une politique de l’aller vers afin de les accompagner jusqu’à la réalisation de leurs travaux. © schéma CCKB L'expérience étant complexe, la page ci-dessous est longue et quasi-exhaustive dans la présentation des dispositifs. La fiche disponible en téléchargement est, quant à elle, une présentation synthétique de la démarche. Enfin, une version longue imprimable est disponible en document technique.
La Communauté de communes du Kreiz Breizh (CCKB) est située dans la partie costarmoricaine du Pays Centre-Ouest-Bretagne. Ses 18 500 habitant se répartissent sur 23 communes dont une seule dépasse les 2 500 habitants : Rostrenen avec un peu plus de 3 400. Ce territoire de 700 km2 – avec une densité de 27 habitants/m2 – se classe parmi les moins densément peuplés de Bretagne.
La CCKB présente un contexte socio-économique caractérisé par une agriculture importante, une faible densité démographique et un niveau de revenus moyens plutôt faibles – tant chez la population native que chez celle qui, attirée par les logements moins chers que sur les côtes, s’installe avec parfois des problématiques sociales, financières.
Les dispositifs classiques et leurs limites
Dès 2004, la CCKB fait le constat de l’inadaptation des conditions d’habitat et cherche donc à améliorer les conditions de logements, principalement en faveur des populations aux revenus modestes. Elle a ainsi recours aux dispositifs tels que les OPAH (opérations programmées d’amélioration de l’habitat) puis à un PIG (programme d’intérêt général) qui visent à accompagner les ménages dans leurs travaux de rénovation énergétique et de maintien à domicile. Pourtant, ces dispositifs classiques présentaient des limites :
- Difficultés financières des ménages qui se heurtent, ces dernières années, à la hausse des coûts de travaux, à un reste à charge plus important et à une avance de trésorerie pour payer les entreprises
- Manque d’articulation avec les politiques sociales et un besoin important d’accompagnement par étapes pour les ménages en situation de mal-logement (pas suffisamment intégré aux politiques locales de lutte contre le mal-logement par exemple)
- Complexité du processus qui implique une coordination étroite entre les collectivités territoriales, les occupants et les opérateurs économiques
Parallèlement, la CCKB connaît depuis ces dernières années un regain de population, de dynamisme et d’attractivité qui implique la nécessité d’un développement plus important des politiques de rénovation énergétique.
L’état d’esprit de la CCKB est de ne pas subir mais bien au contraire de développer une politique de l’habitat volontariste et de s’engager dans un vaste programme d’actions en faveur de la lutte contre le mal-logement.
Julie Cloarec, vice-présidente Urbanisme – Habitat – Logement
Un atelier et un fonds d’urgence comme éléments déclencheurs
Une rencontre est organisée en 2022 à Rostrenen dans le cadre de la Journée Nationale de la lutte contre la précarité énergétique, coordonnée au niveau national par la Fondation Abbé Pierre (FAP), et co-organisée par un comité de pilotage composé de 23 organismes impliqués dans la prévention de la précarité énergétique, la lutte contre l’exclusion et le réchauffement climatique.
Le lien entre précarité énergétique et logement insalubre est particulièrement pertinent, car il est souvent plus facile pour les ménages de parler de leurs difficultés financières plutôt que de leur situation de logement insalubre.
Stéphane Martin, directeur de la FAP Bretagne
Lors de cette rencontre, la FAP s’appuie sur l’expérience qu’elle a auparavant mené sur le territoire voisin de Poher Communauté (29). Elle y a passé plusieurs mois à étudier et comprendre le différentiel entre le taux significatif de logements indignes et les faibles demandes d’aides sociales effectuées : la raison principale se révèle être le manque de coordination entre politiques du logement et politiques sociales.
La Journée de lutte contre la précarité énergétique a permis de dresser les principaux freins et de les transformer en actions prioritaires et fondatrices de la démarche de la CCKB :
- Développer un repérage multi-partenarial
- Rapprocher les ménages des structures d’aides en mettant en place des dispositifs « d’aller vers »
- Faire aboutir les travaux, accompagner les ménages jusqu’au bout.
Une combinaison de dispositifs pour une politique ambitieuse
En l’espace de deux ans seulement, la CCKB met en place un SLIME (service local d’intervention pour la maîtrise de l’énergie) et une expérimentation TZEE (territoire zéro exclusion énergétique). Ces programmes sont financés par les CEE (certificats d’économie d’énergie). Une « Cellule Logement », composée de partenaires, d’agentes et d’élus de la CCKB, est également créée afin de renforcer la coordination des partenaires.
La politique du logement et de l’habitat a marqué un virage d’engagement sans précédent. Le résultat de cet engagement, c’est une reconnaissance de notre pouvoir d’agir au plus près de la population puisque le Kreiz Breizh, avec Rostrenen, est un des quatorze territoires nationaux retenus au titre du programme Territoire Zéro Exclusion Énergétique. Et ce sont notamment 500 000 € apportés par TZEE et consacrés au territoire pour sortir du mal-logement.
Sandra Le Nouvel, présidente de la CCKB
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SLIME (service local d’intervention pour la maîtrise de l’énergie)
Créé en 2013, le programme SLIME est mis en œuvre localement et directement par les collectivités territoriales qui bénéficient de financements : jusqu’à 70% des dépenses pour la mise en œuvre du dispositif sur leur territoire. Celle-ci peut être confiée à un partenaire opérationnel. Ici, la CCKB s’appuie sur l’ALECOB (Agence Locale de l’Energie et du Climat du COB), déjà expérimentée puisqu’elle assure les SLIME des CD29 et CD56 sur le pays COB. Le partenariat, plus que la relation de prestataire établi avec la CCKB, permet une adaptation du programme sur le territoire et une agilité de proximité.
Le programme SLIME est une méthodologie et des financements pour repérer les ménages en situation de précarité énergétique, il permet un véritable accompagnement pour orienter et soutenir les familles dans des démarches pratico-pratiques assez simples et qui permettent de coller au plus près de la réalité des situations.
Sandra Le Nouvel, présidente de la CCKB
Les chargées de visites SLIME sont salariées de l’ALECOB et interviennent à domicile chez les locataires ou propriétaires occupants pendant 2h-2h30 pour faire point sur les finances du ménage, évaluer l’état de leur logement, comprendre leurs factures d’énergie… Lors de cette visite, des équipements sont installés gratuitement chez le ménage (boudin de porte, rideaux thermiques, isolation du chauffe-eau, etc.). L’objectif étant que les personnes puissent constater concrètement ces petites améliorations et s’engagent dans un processus de rénovation énergétique plus important de leur logement.
Les chargées de visite de l’ALECOB rédigent un rapport de visite à destination du ménage lui-même, mais également des travailleurs sociaux qui le suivent. Le rapport rappelle les conseils transmis lors de la visite et oriente les personnes vers des partenaires adaptés aux besoins identifiés (France Services, espaces France Rénov’, offres de service de mobilité…). Il notifie la performance des équipements et l’état du bâti puis préconise des scénarios de travaux d’économies d’énergie à moyen terme, les gains énergétiques associés et oriente vers les aides financières possibles. Si la visite est effectuée chez une personne locataire, le propriétaire bailleur reçoit une copie du rapport avec des conseils pour rénover le logement ainsi que des informations sur les aides financières existantes.
Des travaux d’urgence peuvent être engagés (changement d’un chauffe-eau, sécurisation électrique, reprise de toiture…). Ils sont pris en charge par le Fonds Zéro Abandon du Pays COB, financé et initié par la FAP et la Région Bretagne, mobilisé par l’ALECOB. Le fonds permet de proposer une solution simple et réactive au financement de travaux urgents et aux impayés d’énergie jusqu’à 3 000 € par ménage. Les Compagnons Bâtisseurs de Bretagne (CBB) ou les entreprises du territoire peuvent effectuer ces travaux.
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Accompagner les ménages dans un projet de rénovation globale : le programme expérimental TZEE
Une fois les premiers gestes et travaux d’urgence réalisés, il s’agit d’amener les propriétaires vers un projet global de travaux. Le TZEE est un programme innovant porté par le collectif STOP Exclusion Énergétique qui œuvre à densifier la lutte contre la grande précarité énergétique par une approche globale territoriale apportant mobilisation, compétences, outils et financement. Sur la CCKB, un objectif de 55 ménages modestes et très modestes accompagnés est retenu.
Le programme comprend l’embauche par STOP Exclusion Énergétique d’une « ensemblière territoriale » et de deux « ensembliers solidaires » par un cabinet d’accompagnement dans les politiques d’amélioration de l’habitat (ici, Urbanis) qui signe une convention avec STOP Exclusion Énergétique.
L’ensemblière territoriale travaille avec la collectivité, coordonne le programme, repère les ménages en lien avec l’ALECOB, organise et tisse un réseau partenarial pour trouver des financements afin de limiter le reste à charge des travaux et l’avance de trésorerie pour les ménages. Les ensembliers solidaires assurent l’accompagnement au plus près des ménages : recherche d’entreprises, étude des devis, suivi des travaux, aide au montage des dossiers de demande d’aide auprès de l’ANAH.
SLIME et TZEE se complètent, l’expérimentation TZEE vient surtout apporter des moyens (financiers et humains) supplémentaires pour renforcer l’accompagnement des ménages jusqu’au bout de la réalisation des travaux.
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La “Cellule Logement” pour coordonner les partenaires
L’ensemble des partenaires (ALECOB, Fondation Abbé Pierre, ADIL, Maison du Département, CAF, Compagnons Bâtisseurs, associations de solidarité, élu·es locaux·ales) se réunissent tous les 3 mois dans le cadre de la cellule logement qui traite les situation de logement les plus complexes.
La Cellule Logement apporte une meilleure coordination des partenaires et propose des solutions partagées. Chaque séance commence par une information sur l’actualité de chaque partenaire.
Hélène Le Bastard, chargée de mission habitat et coordination de l’action lutte contre la précarité énergétique
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Un maillage local pour un repérage efficace
Cependant, tous ces dispositifs ne peuvent fonctionner que si le repérage des ménages est adéquat et complet. Certaines personnes en situation de précarité énergétique n’oseront pas pousser la porte des institutions ou des associations de solidarité pour demander de l’aide. Il est donc nécessaire de mettre en place une politique de « l’aller-vers » et de développer un réseau de donneurs d’alerte dense.
Des échanges et des informations sur le fonctionnement et l’articulation des dispositifs ont été organisés auprès des donneurs d’alerte habituels et potentiels du territoire. Ainsi, le maillage territorial local des donneurs d’alerte a été coordonné et étoffé. Aujourd’hui, ce réseau est constitué des structures institutionnelles (France Services, Maison du Département), d’associations de solidarité mais aussi d’élus locaux, de professionnels de santé et des Locaux moteurs.
Les Locaux moteurs, c’est une action portée par l’association éponyme, née en Maine-et-Loire, qui lutte contre le non-recours aux aides publiques, notamment en matière de précarité énergétique. Sa spécificité réside dans le recrutement et la formation d’habitants du territoire, appelés habitants-relais, pour faire du porte-à-porte ciblé ; illustrant ici la réalisation concrète de l’aller vers.
Nous sommes bien dans une démarche d’aller vers : les Locaux moteurs ont une liste de pré-repérage mais ils ont aussi la liberté d’aller frapper aux portes et se faire connaître.
Julie Cloarec, vice-présidente Urbanisme – Habitat – Logement
Par souci de clarté auprès des habitants, des donneurs d’alerte et des partenaires, l’entrée dans les différents dispositifs se fait systématiquement par l’ALECOB qui redirige ensuite les personnes vers les dispositifs et interlocuteurs qui correspondent à leurs besoins.
La solution se retrouve dans un éventail d’actions, une animation de proximité, un ensemble de dispositifs.
On assiste alors au développement d’un réseau partenarial, impliquant des acteurs variés et mixant des dispositifs parfois expérimentaux d’autres plus courants mais adaptés ici à la réalité de ce territoire rural.
Benoit Aignel, directeur de l’ALECOB
Une prise de compétence assumée
Lorsque s’élabore la structuration de l’appareil communautaire à l’issue des élections de 2020, il n’est pas prévu de vice-présidence dédiée à l’habitat. En outre, le logement reste une compétence communale. Deux ans plus tard, en engageant ce vaste programme, la CCKB assume en prenant alors la compétence habitat et en dédie une vice-présidente. Les services se structurent en parallèle, avec l’arrivée d’une chargée de mission habitat. La compétence logement reste bien l’apanage des communes et la CCKB entend bien organiser sa politique de l’habitat en partenariat avec les communes.
Un montage convaincant et des questions en suspens
Même si l’initiative est encore très récente (le SLIME opère depuis 2023, le TZEE depuis mai 2024), le système de repérage démontre d’ores et déjà sa pertinence et le besoin d’accompagnement sur le territoire. Les objectifs du SLIME de la CCKB très ambitieux (80 visites en 2023, 150 en 2024) et du programme TZEE (accompagnement de 55 ménages) sont atteints.
Désormais alors que le système de repérage et de dispositifs actionnés semble être bien installés, plusieurs questions se posent :
- Comment poursuivre ces expérimentations et faire perdurer ces programmes ?
- Comment appréhender le changement de mode de financement par l’ANAH ? Comment le Pacte Territorial (nouveau mode de contractualisation entre l’ANAH et les collectivités) permettrait la pérennisation de cette stratégie, notamment sur le volet accompagnement des ménages, au regard des avances de trésorerie nécessaires ?
- La mise en place des Pactes Territoriaux va également impacter les modes de financement des ALEC : une autre forme de relation s’établira alors entre l’ALECOB et la CCKB. Comment ne pas risquer de glisser de partenaire à prestataire pour l’ALECOB ?
- Si des moyens sont mobilisés pour accompagner les ménages à la recherche de financement, les problématiques financières persistent et notamment l’avance des travaux et le financement du reste à charge qui reste élevé malgré les taux de prise en charge de l’ANAH ;
- Les techniques liées à la rénovation du bâti ancien, problématique du territoire, ne sont pas prises en compte par les aides nationales à la rénovation.
Les éléments financiers
Programme SLIME (2023)
Les dépenses sont engagées par la collectivité qui perçoit en contrepartie des recettes liées à ces dépenses.
Dépenses principales :
- Convention ALECOB (postes chargées de visite à domicile) : 41 950 €
- Poste CCKB – Chargée de mission habitat et coordination de l’action lutte contre la précarité énergétique : 14 500 €
- Autres conventions – soutiens renforcés des ménages (ADIL, CBB, Locaux Moteurs) : 19 725 €
Recettes principales :
- CLER (Financements CEE*) : 56 139 €
- Stratégie Pauvreté (Etat) : 10 000 €
*Dans le cadre du SLIME, les financements des CEE sont dégressifs : 70% des dépenses en 2023, 60% en 2024 et 50% en 2025.
Programme TZEE (2024/2025/2026)
Aucune dépense n’est portée par la collectivité, l’association Stop Exclusion énergétique, financée par les Certificats d’Economie d’Energie, porte l’ensemble des dépenses.
Dépenses prévisionnelles Stop Exclusion Energétique pour le territoire de la CCKB :
- Poste Ensemblière territoriale (1 ETP) : 165 000 € brut sur 3 ans
- Financement de l’opérateur (Urbanis) : 385 000 € (7 000 € par accompagnement)
Contacts
- Julie Cloarec, vice-présidente Urbanisme – Habitat – Logement accueil@cckb.fr
- ALECOB contact@alecob.org
Rédigé en novembre 2024