Arrêté pesticides : suspension de l’arrêté par le Tribunal administratif

Plus de 500 personnes s’étaient rassemblé dès 9h devant le Tribunal administratif ce jeudi 22 août 2019 pour soutenir Daniel Cueff, le maire de Langouët, suite à son arrêté interdisant l’usage des pesticides à moins de 150 mètres des habitations ou locaux à usages professionnels. Parmi eux des habitants, des adhérents d’associations ainsi que plusieurs élus locaux venus défendre la légitimité d’un maire à protéger la santé de ses habitants. L’audience a duré 1 heure ; chaque partie a pu faire part de ses arguments. Ce mardi 27 août le Tribunal administratif a décidé de suspendre l’arrêté municipal, dans l’attente d’une décision sur le fond.

Les arguments de l’Etat

La Préfecture estime illégal l’arrêté municipal pour deux principales raisons :

  • La législation sur les pesticides relève d’un pouvoir spécial de l’Etat qui a été confiée au Ministère de l’agriculture ainsi qu’aux Ministres de la Santé ou de l’Environnement sur certains aspects de la Loi. Le maire ne peut s’y substituer.
  • Si le maire dispose bien d’une compétence de police générale visant à « assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques« , le maire de Langouët ne justifie pas « de la réalité d’un péril imminent ni de l’existence de circonstances locales »  compte-tenu que :
    • l’échantillon des habitants ayant réalisé des analyses de présence de pesticides dans les urines est faible, « 32 habitants sur 602 »
    • Il n’existe pas de « valeur de référence » de pesticides dans les urines ou dans le sang (donc de teneur au-delà delaquelle un risque sanitaire serait reconnu)
    • Il n’existe pas d’effets sanitaires avérés sur les habitants de Langouët

Par ailleurs, elle estime que :

  • l’homologation des pesticides intègre déjà des mesures de protection des riverains, exigeant des distance de sécurité de « 2 à 10 m pour certains produits », tel que l’indique la note du 14 juin de l’ANSES
  • la loi Egalim qui doit rentrer en vigueur au 1 janvier 2020 intègre déjà de nouvelles mesures visant à protéger les riverains. Elle doit se traduire par un décret et un arrêté d’application « qui sont en cours de rédaction« 

Les arguments du Maire

Le Maire estime que l’on est face à une carence avérée de l’Etat et à une légitimité de l’action locale aux motifs suivants :

  • Si des décrets et arrêtés d’application de la Loi Egalim pour protéger les riverains sont en cours de rédaction, ils ne sont pas opérationnels de fait actuellement
  • L’Etat a dix ans de retard dans la transcription en droit français d’une directive européenne visant à protéger les populations et l’environnement datant de 2009
  • Le plan Ecophyto 2008-2018 qui visait à réduire de 50% la charge phytosanitaire en 10 ans est un échec comme le constate un rapport du Ministère de l’agriculture. Au contraire elle a augmenté de 20% et ce malgré 360 millions d’euros dépensés
  • Le code général du code des collectivités territoriales indique que « la police municipale […] comprend notamment […] le soin de réprimer […] les projections de toute matière ou objet de nature à nuire, en quelque manière que ce soit, à la sûreté« 
  • Les analyses d’urine d’un certain nombre d’habitants, y compris d’enfants de moins de 6 ans qui mangent bio à l’école comme à la maison, est préoccupante tant la teneur est élevée, dépassant jusqu’à 30 fois la teneur autorisée dans l’eau du robinet

Par ailleurs il estime que :

  • Les effets négatifs des pesticides sur la santé à long terme sont avérés par de nombreux rapports et études scientifiques émanant du Ministère de la Santé ou d’instituts publics (INSERM…)
  • De même la réalité de transfert de molécules dans l’air par évaporation est avérée

Le maire  s’est défendu d’avoir pris un arrêté « anti-pesticides » mais juste « des mesures visant à éloigner la distance de pulvérisation des habitants » et souhaite « travailler avec les agriculteurs pour les accompagner dans une transition de leur modèle agricole plus respectueux de la santé et de l’environnement« .

La position du Président du Tribunal

La Préfecture avait attaqué l’arrêté municipal en référé. Cette procédure d’urgence permet à la Préfecture de solliciter la suspension d’un arrêté dès lors qu’elle estime qu’il existe « un doute sérieux quant à la légalité de l’arrêté ». De fait, par ordonnance du 27 août,  le Président du Tribunal a suivi les conclusions de la Préfecture est suspendu l’arrêté municipal du maire de Langouët dans l’attente d’un jugement sur le fond, qui n’interviendra pas avant plusieurs mois.

Pour voir l’arrêté et l’ordonnance du Tribunal

Rédigé en août 2019
Thématique : Agriculture et restauration collective, Environnement et biodiversité, Zéro phyto & Espaces verts

 

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