Guipel (35) : le hameau léger sort de terre !
Thématique(s): Aménagement, urbanisme et habitat - Lotissements et quartiers durables
Infos pratiques
Adhérent depuis 2008
Maire : Isabelle Joucan
Adresse : 40 Rue de la Liberté, 35440 Guipel, France
Téléphone : 02 99 69 74 74
Nbre d’habitants : 1734
Superficie : 25 km²
Intercommunalité : Val d Ille-Aubigné
www.guipel.fr
Contact BRUDED : Camille Ménec
Autres expériences de Guipel
La commune concrétise son projet de « hameau léger » : un lieu de vie participatif accueillant neuf habitats réversibles, réalisé en partenariat avec la commune. Les futurs habitants se sont constitués en association qui signe un bail emphytéotique avec la commune pour une durée de 99 ans. L’association verse un loyer mensuel correspondant à un montant de 80 €/foyer/mois.
Pourquoi vouloir développer ce projet à Guipel ?
En 2020 la commune a accueilli la troisième « agora des colibris » : une journée dont le thème était la sobriété à la fois foncière mais aussi sur l’habitat, l’alimentation, l’énergie, etc. C’est à cette occasion que les élus rencontrent l’association « Hameaux Légers ». « La problématique de ces habitats légers se pose déjà dans nos territoires ruraux. Lors des échanges à l’agora des colibris, plusieurs communes avaient indiqué qu’il fallait déjà gérer la présence de yourtes, de tiny houses, de mobiles homes… » se rappelle Isabelle Joucan, maire de Guipel.
Il nous a semblé intéressant de travailler ce sujet pour prouver la faisabilité de ce type d’habitat. Un projet novateur pour proposer un « Habitat de Demain » différent. On devine déjà que cela permettrait peut-être de résoudre des problèmes d’habitat dans des secteurs tendus notamment de façon ponctuelle par exemple sur les communes touristiques, mais aussi pour déployer des habitats sociaux de manière rapide, d’accueillir des « nouveaux paysans » sur les reprises agricoles… Ce genre de projet permet également d’accueillir plus rapidement de nouveaux habitants par rapport à une création d’un lotissement classique.
Isabelle Joucan, maire
Le terrain
La commune avait déjà identifié une zone à urbaniser au cœur du bourg d’une surface de 4500 m² située en zone 1AUO1 : « zone ouverte à l’urbanisation dans les conditions définies par les orientations d’aménagement et de programmation. Les constructions y sont autorisées lors de la réalisation d’une opération d’aménagement d’ensemble, soit au fur et à mesure de la réalisation des équipements internes à la zone, prévus par les orientations d’aménagement et de programmation. »
Les élus ont décidé de dédier cet espace au projet de hameau léger pour y accueillir entre six et dix habitations légères. Le programme d’aménagement devra respecter la densité minimale de 20 logements/hectare.
L’accompagnement par l’association Hameaux Légers
L’association « Hameaux Légers » propose d’accompagner les collectivités locales à la mise en œuvre de leurs projets. L’accompagnement se déroule en trois phases, pour un montant total à Guipel de 25 250 €. À la fin de chaque étape, la commune décide de poursuivre ou non le projet.
- Phase 1 : Poser le cadre de faisabilité du projet en amont du choix des porteurs de projets sur différentes thématiques : réglementation / urbanisme opérationnel / relationnel / juridique et financier
- Phase 2 : Appel à Projet : identifier un groupe capable de porter le projet d’écohameau sur le long terme, dans le respect du cadre posé par la commune
- Phase 3
- Accompagner le collectif à se doter des outils et processus lui permettant de gérer le projet d’habitat de manière pérenne
- Accompagner la commune à la maîtrise d’ouvrage de l’aménagement, en concertation avec le collectif.
- Accompagner le collectif à la maîtrise d’ouvrage des habitats individuels et des espaces communs
Première phase : l’étude de faisabilité
À Guipel, l’étude avec Hameaux Légers a commencé au premier semestre 2022.
Cette première phase, d’un montant de 6000€ est une étude de faisabilité sur le volet administratif, zonage, conformité avec le PLUI et organisation des ateliers citoyens » indique Loïc Alméras, premier adjoint en charge du projet.
Deux ateliers citoyens se sont tenus en avril et mai 2022 réunissant près de 80 personnes. L’objectif était de donner de la visibilité sur le projet pour informer les habitants et donner de la visibilité à la démarche mais aussi pour faire connaître l’initiative a des porteurs de projet. C’est à cette occasion que les personnes intéressées se rencontrent et que les groupes commencent à se constituer.
À la fin de chaque phase nous faisions valider le livrable en Conseil municipal et valider le fait de continuer le projet par une délibération » explique Loïc Alméras
Deuxième phase : Appel à Candidature et recrutement d’un collectif
La commune lance un appel à candidatures dans lequel est présenté le projet et ses caractéristiques. À Guipel, par exemple, il était spécifié que l’espace commun ne serait pas porté par la collectivité et serait donc à charge du collectif d’habitants.
Cinq dossiers de candidatures ont été déposés. Après une pré-sélection rapide, les élus ont décidé d’en voir quatre au cours d’un jury de sélection qui s’est tenu en mars 2023. Il était composé :
- Des membres du copil : six élus
- Un membre du bureau d’étude « Sitadin » qui avait réalisé l’étude « cœur de bourg »
- La vice-présidente de l’EPCI en charge de l’urbanisme
- L’ancien maire de la commune
- Le secrétaire général de la mairie
- Un membre de l’association Hameaux Légers
Seuls les six élus pouvaient voter pour le choix du collectif.
Cette seconde phase représente un coût de 6000 € pour la mairie.
Choix du collectif
Le collectif retenu s’appelle « Les Alouettes » et souhaitait développer un projet comprenant huit habitats légers en un neuvième réservé pour de l’habitat d’urgence. Ils choisissent aussi de créer un espace commun comprenant une buanderie, des sanitaires et une chambre d’amis.
C’est le groupe qui nous paraissait le plus mature avec une réflexion déjà bien engagée. À la suite de ce choix, on a travaillé avec le collectif sur un protocole d’accord symbolique signé par la mairie et les porteurs de projet
L’accompagnement de l’association Hameaux Légers (phase 3) porte à la fois sur l’accompagnement des porteurs de projets en lien avec la municipalité.
Dépôt du permis d’aménager et suivi des travaux
La phase suivante pour la municipalité était celle de travail sur le permis d’aménager. Concernant ce projet d’habitats légers, il n’y a pas besoin de faire une demande de permis de construire pour chaque habitation installée. (article L444-1 du code de l’urbanisme). L’espace commun devra, quant à lui, faire l’objet d’un dépôt de permis de construire. Pour cela, la mairie lance une consultation de maîtrise d’œuvre intégrant une mission urbanisme, VRD et environnement. Elle retient le groupement intégrant le cabinet « Sitadin », le même qui avait travaillé sur le cœur de bourg afin de les accompagner sur le dépôt du permis d’aménager puis sur la consultation des entreprises et le suivi des travaux.
Cette étude complémentaire s’élève à 23 000 € pour la totalité de la mission de maîtrise d’œuvre : Urbanisme (cabinet Sitadin / 6200 €), VRD (cabinet « ORA » / 15 495 €) et environnement (cabinet « ECR » / 1 350 €)
Le permis d’aménager a été déposé le 22 décembre 2023 et envoyé au concessionnaire de réseaux en même temps. Les emplacements pour résidences démontables font une surface d’environ 235 m² et une de 427m².
« Il y a eu quelques difficultés au niveau du SDIS qui a donné un avis défavorable. Le sujet du raccordement électrique était compliqué également puisqu’il y avait une convention entre Enedis et le SDE et l’information n’a pas bien circulé. » se rappelle Loïc Alméras.
Après différents allers-retours, l’arrêté du permis d’aménager a été signé fin avril 2024.
Les travaux VRD : Voirie Réseaux Divers
Concernant la voirie, l’accès en voiture sera limité sur le site : une voie carrossable sera mise en place uniquement pour l’emménagement/le déménagement, ainsi que l’intervention en cas d’urgence. Elle consistera en une bande de 3 m de large, perméable (terre-pierre).
Les véhicules pourront être garés sur un parking qui sera situé à l’Est de la médiathèque. Afin de minimiser l’imperméabilisation, le parking sera réalisé en revêtement perméable (type pavés joints gazon).
Les déplacements au sein du hameau se feront essentiellement à pied.
Concernant les réseaux, le collectif a souhaité qu’il n’y ait qu’un seul point d’entrée pour les différents réseaux, puis qu’ils se répartissent ensuite en interne la facturation. Cela a été accepté pour l’adduction d’eau potable et pour la fibre, mais pas pour l’électricité ; chacun a donc son propre boîtier électrique.
Côté assainissement la commune de Guipel est en phyto épuration et il y avait la possibilité de se raccorder à proximité immédiate du projet.
Dans la foulée de l’approbation du permis d’aménager, la mairie a donc lancé un appel d’offre sur la plateforme « mégalis » en juin 2024 pour les travaux de VRD. Ils ont reçu deux offres et ont sélectionné la mieux-disante pour un montant de 113 000 € HT.
Un planning serré !
Les futurs habitants avaient prévu de construire leurs habitats en août 2024. Le planning global ayant pris un peu de retard une réunion de chantier s’est tenue avec l’entreprise pour s’assurer que les porteurs de projets pouvait construire leurs habitats bien que les travaux ne soient pas terminés.
On a convenu avec le collectif de signer une convention d’occupation précaire en attendant de signer le bail définitif » précise Loïc Alméras
Le choix d’un bail emphytéotique de droit commun
Un gros sujet de discussion a porté sur le type de bail. Il y a eu 8 à 9 mois d’échange sur ce sujet en 2024 : c’est le point le plus compliqué il faut prendre le temps de bien le traiter » analyse Loïc Alméras.
Au final le choix s’est porté sur le bail emphytéotique de droit commun sur 99 ans qui sera signé entre la mairie et l’association. Chaque mois, l’association versera un loyer (ou « canon ») à la mairie d’un montant de 80 € / foyer / mois.
Pour éviter des dérives du projet comme de la location « airbnb » par exemple, l’association des habitants est composée de deux collèges : celui des habitants et un collège communal au sein duquel des élus peuvent siéger. Ce collège a un droit de veto sur la question foncière. La mairie et les porteurs de projets travaillent également sur une clause de préservation qui prévoit que le nombre d’habitations ne descende pas en dessous de six foyers.
Enfin pour cadrer l’aspect architectural des habitats, une charte, qui sera annexée au bail, va être rédigée en lien avec le CAU (« Conseil en Architecture et Urbanisme ») du département d’Ille-et-Vilaine. Les habitations doivent dans tous les cas respecter le règlement du PLUi.
Gestion des entrées et sorties
Les départs et arrivées au sein du projet seront gérés en interne par l’association « Les Alouettes ». Si un foyer décide de quitter le projet, c’est au collectif de trouver un foyer pour le remplacer. Ainsi, l’association sera la seule interlocutrice de la municipalité et paiera le même loyer mensuel, peu importe le nombre de foyers. La mairie en accord avec l’association a néanmoins inscrit une clause de « préservation » au sein des statuts de l’association afin de s’assurer qu’il y ait toujours un minimum de six foyers au sein du projet.
Impôts
Les personnes résidant sur le lieu seront considérées comme tout autre habitant de la commune : elles seront assujetties aux impôts locaux, pourront voter sur place, auront un justificatif de domicile …
Budget
Le budget global est d’environ 200 000 € études et travaux compris.
Enseignements et conseils
« Le choix de la réalisation d’un hameau d’habitats réversibles sur la commune de Guipel a été validé par l’ensemble des élu.e.s dès le début du mandat. Et heureusement car il faut être solide pour aller au bout d’un projet de ce genre ! Les élus en charge ont été très investis (surtout Loïc !) car c’est très chronophage (beaucoup de concertation avec le collectif retenu, discussions avec les différents bureaux d’études, partenaires financiers potentiels…). On n’a pas calculé le temps passé, cela nous aurait peut être fait peur ! Sacrée aventure en tous cas : Reste à voir comment demain les nouveaux habitants vont s’intégrer dans la commune …
Au final, il faut également prouver que ce sera une bonne opération immobilière pour la commune. » Isabelle Joucan
Rédaction en novembre 2024