Saint-Armel (35) : Une nouvelle organisation avec un processus de décision partagé par les élus et les habitants
Thématique(s): Associer la population à ses projets - Démarches globales et participatives
Infos pratiques
Adhérent depuis 2021
Maire : Morgane Madiot
Adresse : Rue de la Mairie, 35230 Saint-Armel, France
Téléphone : 02 99 62 71 58
Nbre d’habitants : 2 312
Superficie : 7,75 km²
Intercommunalité : Rennes Métropole
www.saint-armel-35.fr/
Contact BRUDED : Jean-Philippe Rouchon
Autres expériences de Saint-Armel (35)
Après 2 ans de fonctionnement, les élus de Saint-Armet ont choisi de prendre du recul sur leur mode de gouvernance pour mettre en place un processus de décision mieux partagé par les élus et les habitants. Ils se sont faits accompagner par Fréquence Commune au début de l’année 2022 pour faire évoluer leurs pratiques.
(Re)voir la visio et découvrir leur témoignage :
La volonté d’une gouvernance partagée dès la campagne des municipales
La future majorité prépare les élections environ 9 mois avant avec au centre du projet 3 axes forts : favoriser la participation citoyenne, œuvrer à un développement durable de la commune et créer du lien entre les habitants. « Nous étions dans l’optique de travailler avec les habitants, donc, pour constituer l’équipe nous étions dans la philosophie d’intégrer toute personne souhaitant s’impliquer dans la vie de la commune. De fil en aiguille, nous avons constitué une équipe avec une diversité de personnes et de compétences » se rappelle Morgane Madiot, maire. La volonté d’une gouvernance partagée est là, mais l’équipe ne prend pas le temps de poser les règles de leur future organisation, trop pris par les projets à développer.
« On s’est rencontré toutes les semaines pendant la campagne mais on n’a jamais travaillé sur la gouvernance, comment on allait fonctionner une fois élus, car nous étions trop pris sur les autres sujets. On avait compris à priori le fonctionnement qu’avait l’ancienne municipalité entre le bureau municipal et les différentes commissions et on n’y voyait pas d’inconvénient. Il a fallu qu’on teste ce fonctionnement pour comprendre qu’il ne convenait pas à l’idée d’horizontalité que nous avions ».
Morgane Madiot, maire de Saint-Armel
Une mise en route compliquée, et des premiers disfonctionnements
Avec le COVID19, l’équipe élue en mars ne sera installée qu’en mai. Entre deux, l’équipe commence à travailler sur les projets sans échanger avec les agents ou avec la DGS. Par ailleurs, l’équipe perdante dépose un recours pour faire annuler les élections et la nouvelle équipe ne pourra vraiment prendre ses marques qu’à la fin de l’année 2021. Prise dans cette procédure, l’équipe reprend le fonctionnement de l’ancienne municipalité avec un bureau toutes les 2 semaines (maire, les 5 adjoints et 2 conseillers délégués) et l’organisation des commissions dont chacune est pilotée par un adjoint ou par un conseiller délégué. « Assez rapidement on s’est rendu compte que ce fonctionnement ne permettait pas d’inclure tous les élus. » témoigne Morgane Madiot qui liste les soucis auxquels se heurte son équipe :
- Des problèmes de communication entre le bureau et le reste de l’équipe. On n’arrivait pas à faire redescendre tous les sujets traités en bureau aux conseillers municipaux
- Des difficultés à impliquer les habitants au sein des commissions. La règle est qu’une commission se limite aux élus, mais sur certains projets nous souhaitions intégrer les habitants. Du coup, sur certains projets, on s’est retrouvé à doubler la commission par une réunion élus / habitants ce qui est devenu chronophage et peu pratique
- Des difficultés à impliquer la minorité. On a essayé de les impliquer dans les réunions de préparation du conseil municipal mais ça n‘a pas bien fonctionné.
- Des réunions longues et inefficaces: Nous avions un gros souci sur l’animation des réunions que je prenais beaucoup en charge mais avec du mal à tout faire (animer, gérer le temps de parole, faire les comptes-rendus), ça s’est vite révélé comme une vraie limite aux échanges.
- Des difficultés sur la prise de décision. Nous étions tous d’accord sur l’idée de prendre des décisions collectives au consensus mais cela s’est révélé impossible à mettre en œuvre ! Certains élus qui avaient travaillé sur les dossiers estimaient que c’étaient à eux de prendre la décision, alors que l’équipe estimait que la décision devait être collégiale. D’autres élus refusaient des propositions sans proposer de solutions, ou proposaient des solutions qui n’étaient pas satisfaisantes. On n’arrivait plus à avancer parce que nous n’avions pas défini le processus de prise de décision.
Un accompagnement par Fréquence Commune
Cette accumulation de difficultés à organiser le travail d’équipe, et plus particulièrement à décider ensemble, amène des tensions dans l’équipe qui connaitra en 2022 deux démissions d’adjoints. Morgane Madiot décide donc de prendre du recul sur la gouvernance interne et contacte Fréquence Commune en février 2022 pour accompagner l’équipe dans ces changements. La lettre de mission est simple : remettre à plat toute l’organisation de l’équipe pour repartir sur de nouvelles bases.
Fréquence Commune fait travailler l’équipe tout un week-end pour les aider à comprendre leur fonctionnement actuel, points de blocage et difficultés, et les accompagner à mettre en place la gouvernance partagée à laquelle ils aspirent. La formation s’est déroulée sur 2 jours avec 11 élus sur 15 de la majorité pour un coût de 400 euros par élu, financé sur le compte personnel de formation de chaque élu.
« Fréquence Commune nous a fait faire un diagnostic de notre fonctionnement puis nous a proposé un schéma type qui a fait ses preuves pour beaucoup de communes qu’ils ont pu accompagner ; ça nous a permis d’aller plus vite et de ne pas tout réinventer. On s’en est beaucoup inspiré tout en faisant des ajustements. Ce week-end a agi comme un détonateur dans l’équipe, cela nous a permis de prendre conscience des défauts de notre organisation, et ceci à plein de niveaux. L’accompagnement a révolutionné notre manière de faire ».
Une nouvelle gouvernance
Morgane Madiot décrit les principaux changements opérés suite à la formation :
- Nouvelle animation des réunions : « Chacun a pris conscience de la nécessaire répartition du temps de parole et d’une écoute appropriée. Des règles sont écrites et des rôles sont attribués pour animer les réunions. Périodiquement, le conseil municipal élit en son seing deux animateurs, un secrétaire et un garant chargé de faire respecter les règles de gouvernance. Les postes sont attribués sur une durée limitée, par exemple le secrétaire change tous les 2 mois. »
- Prise de décision par consentement: « Ce mode de décision peut se synthétiser ainsi : tout le monde n’est pas forcément d’accord pour la proposition telle qu’elle a été proposée mais elle est adoptée si personne n’y voit d’objection bloquante (après un tour de clarifications et un tour de questions). Si des objections sont légitimes et bloquantes, l’équipe modifie ou remodèle sa proposition pour débloquer ces objections. Il s’agit de mesurer ce qui est du domaine du bloquant de ce qui ne l’est pas vraiment. Cela permet de sortir du vote et d’intégrer la parole de chacun quand on prend une décision. »
- Transformation des commissions non obligatoires en groupe de travail : « Seules les commissions obligatoires (commissions d’appel d’offres, commission élections…) ont été maintenues. Le fonctionnement en groupe de travail nous permet d’ouvrir à des habitants sans doublonner les réunions ».
- Ouverture des pilotages : “Chaque groupe de travail est piloté par un élu qui n’est pas forcément un adjoint ; cela permet de répartir les responsabilités au sein du conseil et d’éviter de tout concentrer sur les membres du bureau ; cela permet aussi d’impliquer la minorité ».
- Création de la réunion de coordination : “elle est devenue l’organe politique de prise de décisions. Elle se réunit toutes les 3 semaines pour avancer sur les projets (ouverte uniquement aux pilotes). L’ordre du jour est construit ensemble avec trois degrés d’implication (information – consultation – prise de décision). S’il y a trop de sujets, chaque pilote évalue s’il peut reporter son intervention. On demande à ce que les prises de parole soient préparées, puis on procède à un tour de clarification et un tour de questions et un tour d’avis si besoin d’avis du groupe (dans le cas d’une consultation ou d’une prise de décision) “
- Bureau maintenu toutes les semaines, et resserré (passé de 8 à 6 élus) : “le bureau a maintenant un rôle exécutif, nous permet de gérer le quotidien, les affaires courantes, les ressources humaines et financière et actualité communale “
Le bilan de l’évolution de la gouvernance
Morgane Madiot détaille les principales satisfactions ainsi que les limites liées à la mise en œuvre de la nouvelle gouvernance :
- Les réussites :
- L’animation et l’efficacité des réunions
- L’évolution de la prise de décisions
- L’implication des conseillers, qui ne sont plus perdus comme ils l’étaient avant. Aujourd’hui ils prennent part aux décisions
- L’effet positif de la réunion de coordination sur l’implication de la minorité (obligation de piloter un projet pour être présent à la réunion de coordination de l’ensemble des projets)
- Les limites :
- Beaucoup de groupes de travail (jusqu’à 80), avec certains groupes de travail comportant un seul membre, ce qui peut en limiter l’avancement. “Nous avons un travail à faire sur la priorisation des chantiers”
- La baisse d’indemnité des conseillers délégués liée au fait qu’ils ne soient plus présents aux réunions du bureau mais uniquement aux réunions de coordination (une réunion en moins par mois), “ce qui a pu générer une forme d’incompréhension”
- La conciliation du temps professionnel – temps élu > une vraie limite. “La gestion des projets s’additionne avec la gestion et le suivi des affaires courantes. C’est très chronophage, trop pour certains élus. Pour ma part, j’ai décidé d’y consacrer tout mon temps mais du coup je prends aussi beaucoup de choses en charge. C’est compliqué quand on n’est pas retraité”
- L’accès libre du public aux réunions de coordination : “Nous nous sommes interrogés sur le fait de les ouvrir aux habitants, à l’instar des conseils municipaux. C’était une de nos volontés mais on se rend compte aussi que nous avons besoin de moments entre nous, entre élus, pour avoir une parole libre et un climat de confiance, c’est important aussi de pouvoir souffler et échanger librement”.
Les points d’amélioration
Morgane Madiot évoque plus largement les points d’amélioration ou d’évolution pressentis pour les mois à venir :
- Définir clairement le rôle des élus et le rôle des services et leurs actions respectives. « Nous avons toujours une difficulté à délimiter le rôle des élus et le rôle des services. Où s’arrête le rôle des élus et où commence celui des agents ? Par ailleurs, dans notre strate de commune (2200 hbts), nous manquons de temps agent pour nous suivre sur tous nos projets, ce qui a pu créer de la frustration chez certains élus au démarrage. Si nous voulons faire avancer les projets, c’est à nous, élus, de nous en saisir.”
- Faire évoluer l’organisation des services : “Avec l’augmentation de la population, les services ont plus de travail, l’enjeu est de passer d’une organisation familiale à une organisation plus structurée. Nous nous faisons accompagner par le CDG 35 pour trouver les pistes d’amélioration avec les agents.
- Trouver les bons formats d’implication pour les habitants. « C’est compliqué de trouver le bon format, bonne durée d’implication des habitants. Dernièrement nous avons lancé une consultation sur les aménagements extérieurs de la commune (espaces verts et équipements). Nous avons sollicité les habitants sur deux ateliers. A l’issue de la seconde réunion nous avons demandé aux habitants de synthétiser leur travail. Cinq habitants étaient volontaires pour rester dans le groupe de travail. Ils sont venus nous restituer les propositions des habitants en réunion de coordination, ils ont fait eux-mêmes les choix, c’était vraiment très travaillé et constructif. Pour nous élus, l’enjeu est maintenant de trouver le bon rythme pour continuer à les impliquer dans ce projet ».
- Trouver un mode de décision partagée entre élus et habitants. « Dernièrement nous avons choisi d’intégrer les habitants à la rédaction de notre plan de sobriété communale. Nous avons convié des habitants tirés au sort et les associations. Les habitants ont été vraiment force de proposition, mais nous avons eu plus de mal avec les associations, qui ont apporté peu de propositions et n’ont souhaité renoncer à aucun de leurs « acquis ». A la fin, ce fut à nous, élus, de trancher, alors que nous souhaitions que la décision soit vraiment partagée ».
- Adapter nos outils de communication pour mieux informer et donc mieux impliquer les habitants. « Nous avions eu une très bonne participation au moment des ateliers pré-élections mais avec le COVID, c’est vraiment une difficulté de faire revenir les habitants dans la vie communale. Si le tirage au sort fonctionne bien, nous avons un déficit d’outils de communication pour les impliquer. La fréquence de parution de notre journal communal tous les 2 mois n’est pas adaptée pour les solliciter rapidement. Nous avons également un panneau d’affichage communal sur lequel nous faisons des rappels mais ce n’est pas suffisant ».