Séglien et Silfiac (56) : compte-rendu de la visite épiceries-bar en milieu rural – 2019
La visite du 27 septembre 2019 a permis de présenter deux projets similaires, traités de manière différente : la réouverture de bar-épicerie en cœur de bourg à Séglien et Silfiac. Les élus, Laurent Ganivet et Jean-Michel Le Ray, maire et adjoint de Séglien et Serge Moëlo, maire de Silfiac étaient entourés de Jérémy Lorient, de l’EPB Bretagne et Yannick Mahé du CAUE 56, partenaires privilégiés pour le montage et suivi de ces projets. 26 élus et habitants impliqués sur cette question du commerce en centre-bourg de 9 communes y ont participé.
Au-delà de la présentation des projets qui font l’objet de page « expériences » bien achalandées, quelques remarques ou questions spécifiques méritent d’être évoquées.
On n’occultera pas les lourdeurs administratives qui parfois découragent : ce genre de projet n’est pas un long fleuve tranquille. Néanmoins, la municipalité est fière aujourd’hui du résultat. C’est un lieu très convivial où l’on se parle, on s’écoute et on échange. Quelle joie de voir de l’animation quotidienne dans notre bourg !
Laurent Ganivet, maire de Séglien
Les délais et impondérables
La réussite d’un tel projet tient surtout au temps consacré à celui-ci et à la ténacité des élus à les supporter : il a fallu plus d’un an d’échanges au sein du groupe de travail dédié à ce projet pour parvenir à finaliser ses contours
Jean-Michel Le Ray, 1er adjoint Séglien
Les délais pour mettre en œuvre ce type de projet (ie. Séglien) sont importants. Il faut bien avoir en tête que le temps du projet pour des élus (calendriers à respecter, délais de consultation des bureaux d’études, maîtres d’œuvre, entreprises, etc.) et les aléas impondérables (délais de chantiers, appels d’offre infructueux…) d’un tel projet sont incontournables…
Yannick Mahé, urbaniste au CAUE 56
Le rôle de l’EPF Bretagne
L’EPF est intervenu dans les deux communes car les deux opérations comportaient un volet commerce et un volet logement. Jérémy Lorient a expliqué que cette « obligation » pour l’EPF d’accompagner les communes sur des portages financiers à condition d’opération mixte «commerce-logement » sera sans doute revu dans les prochaines années.
À Séglien, l’EPF a assuré la négociation du prix de vente (passé de 105 à 45 K€). Ici, l‘EPF a du opérer un « démembrement » de propriété pour permettre à la commune d’acheter (à l’Euro symbolique) l’usufruit et ainsi engager les travaux de rénovation. À Silfiac, il n’a pas été nécessaire d’effectuer cette opération puisque les travaux menés par les gérants privés étaient moins conséquents (le réaménagement d’un établissement existant et fonctionnel).
L’estimation des prix de vente peut s’appuyer sur celle de Domaines lorsque les communes ont plus de 2000 habitants et que le prix de vente est estimé à plus de 180 K€. Ils ne sont donc pas intervenus ici.
Concurrence entre les communes ?
De nombreuses communes voisines, voire limitrophes ont des équipements de ce type : c’est bien le cas de Séglien et Silfiac. Pour autant, à la question de savoir si cela peut provoquer une forme de concurrence entre communes et services proposés, la réponse est clairement « non ». Cette multitude de commerces est plutôt complémentaire et si des voisins les fréquentent, ce n’est généralement pas au détriment des autres. L’offre dans ces différents commerces n’est pas tout à fait identique > « le monde attire le monde » précise Serge Moëlo, maire de Silfiac.
Le fonctionnement de ces structures : le rôle majeur des gérants…
Le premier critère pour qu’un commerce comme celui-ci fonctionne est la qualité du/des gérants, le second critère est la qualité des gérants, le troisième est la qualité des gérants…
Serge Moëlo, maire de Silfiac
Les élus souhaitant accueillir des commerces en centre-bourg sont parfois tentés de « dérouler le tapis rouge ». Pourtant, afin de s’assurer que l’établissement fonctionne dans la durée, il importe que les futurs gérants s’y impliquent aussi : en y apportant par exemple le financement de travaux, aménagements intérieurs, achat du matériel ou autres. Un montant faible du loyer peut aussi être une incitation pour des gérants > ici les deux communes ont choisi des loyers très faibles (150 ou 200 €) et les gérants se sont fortement impliqués dans les travaux (Silfiac) et/ou les aménagements (Silfiac et Séglien).
On mesure aussi à quel point le travail dans ce genre de commerce, au début en tous cas (plusieurs années…) est chronophage et peu rémunératif : les gérants des deux commerces ne comptent pas leurs heures et ont des revenus extérieurs pour partie. Au bout de 9 mois, ils commencent à pouvoir dégager leurs premiers « vrais » salaires. À noter qu’à Séglien, les gérants peuvent assurer le salaire de l’employée à mi-temps à l’épicerie (ex employée de l’épicerie communale qui a précédé l’ouverture du commerce).
On savait que les débuts seraient durs ; on a donc prévu le coup financièrement : on se donne 1 à 2 ans pour atteindre une situation plus équilibrée
Gérants de Silfiac
Les ventes
Il est difficile pour un commerçant d’ajuster l’offre et la demande, tout particulièrement dans des petits commerces de proximité.
À Séglien, les gérants ont fait le choix d’avoir une gamme de produits très importante, à des prix très concurrentiels. Le revers de la médaille réside dans le fait qu’il y a beaucoup de pertes (certains produits ne sont pas partis depuis leur installation en février…) et que les dates de péremption sont souvent très courtes. Ils ont appris à négocier la liste des produits avec leur distributeur pour avoir des produits plus adaptés aux demandes locales. À Séglien, le débit de pain est très important : « il y aurait de la place pour une ‘vraie’ boulangerie »
Nous n’étions pas dans le commerce précédemment et nous apprenons tous les jours à adapter les commandes ; il nous faudra sans doute un an pour les ajuster au mieux. Il demeure encore beaucoup d’idées reçues sur les prix qui sont quasi équivalents aux moyennes surfaces (les marges vont de 4 à 30 % selon les produits) ; on fait beaucoup d’effort sur les prix et les « promos » sur les produits arrivant en date limite de consommation.
Gérants de Séglien
À Silfiac, les gérants ont fait le choix du vrac et bio local avec une plus petite gamme de produits à des prix très concurrentiels. Le prix moyen du panier oscille entre 15 et 30€ et a tendance a augmenter. Ainsi, ils ont choisi de se spécialiser dans une gamme particulière répondant à une forte demande locale. Le gérant étant aussi maraîcher, il vend les produits de sa ferme directement à des prix très intéressants.
Les gérants des deux commercent s’accordent à dire que l’épicerie de « dépannage » n’est pour autant pas très rentable… L’activité du bar est plus intéressante sur le plan de la rentabilité et apporte beaucoup sur la dynamique locale : des rencontres, des échanges, des évènements : c’est un lieu de vie très apprécié. Le revers de la médaille est l’amplitude horaire que cela implique…
On sait quand on ouvre… mais on ferme au départ du dernier client [du bar] : les journées de travail sont longues
La plus grosse difficulté ?
La réponse est unanime… l’amplitude horaire. Mise à part la trêve de midi qui peut être assez conséquente (13h/15h environ), le reste des horaires est long. Les gérants à Silfiac ont tout de même réussi à caler deux semaines de vacances estivales en famille.
Au final, malgré les difficultés, les équipes municipales et les gérants s’accordent pour dire que ces commerces ont très bien démarré, que les habitants sont très satisfaits, que l’ambiance y est très agréable et chaleureuse, qu’il est plaisant d’y travailler ou d’y venir consommer ou passer du temps avec les autres.
Les communes présentes
- Laurenan : élus et habitants de l’association « cœur de bourg »
- Locunolé, élu et habitant
- Le Juch : habitants membres de la commission « commerce »
- Saint-Aignan : élus
- Malguenac : élus
- Saint-Hilaire-des-Landes, élus et habitants
- Neulliac, élu
- Séglien et Silfiac
En savoir plus
Séglien : page expérience « épicerie bar « TAVARN Seglian » – sauvetage d’une épicerie en centre-bourg – inauguration de Tavarn Seglian
Silfiac : page expérience « nouvelle épicerie-bar « la belle époque » – inauguration et histoire de la « Belle Époque »
Rédigé en octobre 2019
Thématique : Commerces, Économie locale, commerces et services